ARCHEOLOGIE : Visite de l'équipe de J-F Mariotti sur le site de Taillebourg
- Par tuskaland
- Le 12/10/2019
- Dans Événements
- 0 commentaire
Jeudi 10 octobre 2019, nous avons rendu visite à l'équipe archéologique de Jean-François Mariotti qui explore le lit de la Charente depuis 2001. La première phase de prospection -c'est-à-dire de ramassage d'objets reposant en surface- a permis une collecte exceptionnelle autant qu'inattendue d'artefacts d'origine scandinave.
Découverte du premier port viking en France, une douzaine de kilomètres en aval de Saintes, Charente maritime.
La première phase de prospection entre 2001 et 2010 avait permis de récupérer une grande quantité d'objets de facture scandinave ou contemporains des invasions vikings. Un premier bilan avait été réalisé et rendu accessible au public au moyen d'un ouvrage intitulé "Archéologie et histoire du fleuve Charente" sous la direction de Annie Dumont et Jean-François Mariotti, Editions Universitaires de Dijon, 2013. 40€.
Parmi les nombreux artefacts découverts :
- 2 épées du Xe siècle (4 autres épées avaient été découvertes auparavant sur ce site). Il s'agit d'épées du type X et du type L de Petersen.
- 15 fers de lance.
- 10 fers de trait (flèche ou carreau d'arbalète)
- 1 umbo de bouclier (bosse métallique centrale du bouclier protégeant la main du guerrier).
- 39 couteaux dont la très grande majorité de travail, sans doute des couteaux de poissonniers.
- 12 haches (2 haches de combat, 3 "haches d'équarissage", 6 haches d'abattage, une hache mérovingienne)
- des forces (paires de ciseaux en U), tête de pioche, fer à cheval, bêches, faux, faucille, serpes, fers de perche, fer de gaffe.
- 2 ancres de marine (dont une de 29 kg) et des pierres de lest. (identique à celle de Blackfriars (Tamise)
- des chaudrons, poële (la plus ancienne poële connue a priori)
- un plateau de balance, un poids
- une bague de type scandinave (du style de celle de Groix)
- des éléments de harnais, boucles de ceinture,
- des plombs pour lester filets et ligne (48 pièces dont certaines connues à Dublin)
- une quarantaine de plombs naviformes dont certains représentent clairement des navires scandinaves.
Ont également été découvertes des infracstructures portuaires : appontement, digue, nasses qui ont pu être précisément datés au moyen de la dendrochronologie. Ces infrastructures ont été construites vers 850 et entretenues jusqu'en 920. Or, les textes nous apprennent que les hommes du Nord s'installent "tranquillement" en Saintonge en 845 et quittent la région vers 928. Il s'agit manifestement d'un port viking.
Le mobilier découvert révèle la présence d'une pêcherie (couteaux, lests de filets, plombs naviformes), mais pourrait également -à notre avis- indiquer la présence d'un chantier naval à proximité. Les haches d'artisan y sont bien nombreuses. La découverte de rivets et de fours avec scories permettrait d'identifier l'emplacement de celui-ci. Le bois arrivait par flottage à Taillebourg.
Va-t-on trouver des traces d'habitat scandinave ?
Des recherches sont menées pour identifier d'éventuelles structures et terrassements aux abords immédiats du fleuve. Dans la mesure où la chute de Saintes en 845 aboutit à une prise de contrôle militaire du pays qui ne cesse que vers 928, voire plus tard (l'évêque de Saintes ne revient qu'en 989), il est peu probable que les Vikings aient éprouvé le besoin de fortifier le site. La prise de Saintes permet à leur cavalerie de rayonner grâce au réseau routier romain sur tout le nord de l'Aquitaine qui devient une "marche militaire" protégeant l'estuaire de la Gironde et la Gascogne.
La seconde campagne de prospection entamée en 2014 a d'ores et déjà permis de découvrir des artefacts d'un autre type, il s'agit notamment d'entraves d'esclaves. Cette découverte n'a rien d'anodin. Pour deux raisons principales : les Vikings étaient les plus grands trafiquants de leur temps et Taillebourg, anc. Traliburgo, pourrait correspondre à trelleborg, le château des esclaves et désigner Taillebourg comme une étape sur la route de la traite vers l'Espagne. Les esclaves seraient descendus vers Taillebourg près de Marmande et Ponlat-Taillebourg, près de Montréjeau au pied des Pyrénées avant de rejoindre l'Espagne par le Val d'Aran.
Viking Aquitaine archéologie plongée Taillebourg
Ajouter un commentaire