Une méthode pragmatique
Joël Supéry, dans le sillage de l'école des Annales.
Dans une série de trois articles, l'historien Alban Gautier met en cause l'intégrité morale de Joël Supéry et l'accuse d'imposture. Il lui reproche ses conclusions et sa méthode de recherche. Cet universitaire comme la plupart des chercheurs contemporains a été formé à l'école positiviste de Seignobos, fondateur de l'école d'histoire méthodique, une école qui place le document au coeur de la démarche historique. Or, Joël Supéry estime cette approche contre-productive lorsqu'on est confronté à des périodes pauvres en documents.
Lorsque les documents manquent, il estime qu'il est nécessaire de diversifier son champ de recherche et de recourir aux traces présentes dans d'autres disciplines : archéologie, toponymie, linguistique, droit, ethnologie, génétique etc... En cela, il n'est en rien un imposteur : il s'inscrit dans le sillage de l'école des Annales fondée par Lucien Febvre et Marc Bloch qui en réaction au rigorisme de l'école d'histoire méthodique défend un approche ouverte et pluri-disciplianire de l'histoire. Pour cette école, un historien doit redevenir en enquêteur et se servir de tous les outils à sa disposition pour trouver une réponse à une question donnée.
Une methodologie pragmatique (404.29 Ko)
Une principauté viking en Gascogne
Imposture ou pragmatisme ?
Réponses aux critiques sur la méthodologie historique
adoptée par l’auteur de la Saga des Vikings.
Le 16 décembre 2018
Jules Péroy
Une série de 6 chartes – la plupart tardives- évoquent l’invasion de la Gascogne en 840 qui aboutit à l’élimination de ses douze évêques, un épisode politique remettant en cause l’idée que les invasions vikings seraient un déferlement anarchique de pillards de monastères.
Révélations sur une imposture.
Une imposture a été révélée dans une série de trois articles publiés dans le Point, L’Histoire et les Annales de Normandie, Ces articles ont en commun est d’avoir été écrits ou dictés par une même personne, l’historien Alban Gautier.
Ce médiéviste accuse Joël Supéry, auteur de La Saga des Vikings, une autre histoire des invasions, Autrement, 2018 d’imposture pour avoir évoqué une « principauté viking en Gascogne ». Mais avant d’en arriver à cette accusation grave, il fait des concessions majeures -reconnaissant de fait que l’ouvrage représente une avancée historique réelle- et admet que les questions posées dans l’ouvrage critiqué sont pertinentes. Il reconnait que les Vikings au sud de la Loire n’ont jamais été étudiés, que la Gascogne a sans doute été envahie puis occupée, que cette occupation pourrait expliquer les incompréhensibles expéditions en Méditerranée et qu’il serait intéressant d’envisager la possibilité qu’une stratégie viking à l’échelle européenne. Bref, toutes les analyses de l’auteur sont envisageables -et donc légitimes- sauf une, celle concernant une « principauté viking » en Gascogne.
Or, ce même professeur, un mois avant de dénoncer l’imposture dans les Annales de Normandie, écrivait : « Peut-on repérer dans la documentation des traces de leur présence, en particulier… d’éventuelles constructions politiques ? » (L’Histoire, mai 2018). Or, qui dit constructions politiques envisage pouvoir organisé et donc principauté. Il envisage une possibilité en mai et sans prendre le temps de l’étudier il la rejette en juin ce qui lui permet de conclure à l’imposture de Joël Supéry … Pas très sérieux.
Sur le fond, les critiques sont pour le moins volatiles. Sur la forme alors ?
La mise en cause de la méthodologie de l’auteur.
Dans son interview au Point (Février 2018), le professeur attaque un ouvrage « manquant de rigueur scientifique ». Il réitère son attaque dans le magazine L’Histoire : « Ce livre présente toutefois de graves défauts méthodologiques qui obèrent presque entièrement ses conclusions ». Le professeur précise sa critique : « On relèvera principalement une critique des sources effectuée non pas à partir de critères internes et externes visant à l’objectivité, mais en fonction de leur adéquation avec la thèse défendue : d’où une extrême méfiance envers des sources contemporaines d’assez bonne tenue, et un recours systématique à une documentation tardive peu fiable. »
Cette critique est étonnante car elle suggère que l’auteur tient délibérément à l’écart des sources importantes pour les besoins de sa démonstration. Si tel était vraiment le cas, il devrait être aisé pour n’importe quel spécialiste de relever ces sources négligées et de montrer les « facilités » prises par l’auteur. Les hypothèses formulées par l’auteur devraient être faciles à invalider et son récit devrait être truffé d’incohérences. Or, Alban Gautier reconnait que la grande force de l’auteur est de présenter un récit d’une grande cohérence. Evidemment, l’auteur n’a aucun intérêt à ignorer certaines sources : il sait très bien que la nouvelle lecture qu’il propose va être méticuleusement scrutée et férocement critiquée. Il n’a aucun intérêt à ignorer certaines sources sous prétexte qu’elles le dérangeraient. Ce serait un non-sens épistémologique de le faire.
Le professeur reproche notamment à l’auteur une « critique défaillante » des sources. Il explique ensuite la méthode scientifique historique qui aurait dû prévaloir : « L'histoire n'est jamais totalement objective, mais c'est une science qui a adopté des méthodes qui tendent vers le plus d'objectivité possible. Une méthodologie mise en œuvre depuis le XVIIIe siècle, et peu à peu admise par l'ensemble de la communauté scientifique. Par exemple, si un document date du IXe siècle (période de l'invasion viking), il a plus de chances d'être fiable que s'il est écrit au XIVe siècle. Idem si plusieurs documents décrivent la même réalité. » (Le Point)
Alban Gautier, élève de Seignobos.
Ce disant, le professeur se réfère aux enseignements de l’école d’histoire méthodique. Cette école naît en 1897 avec la parution d’un manuel fondamental : l'Introduction aux études historiques de Claude-Victor Langlois et Charles Seignobos. Cette école place le document au cœur de l’étude et vise à la plus grande objectivité possible. Aux yeux de Seignobos et Langlois, la conceptualisation à laquelle avaient recours les historiens jusqu’alors révélait la « non-scientificité » de la discipline historique, discipline qu’il était impératif d’objectiver pour en faire une science. L’étude de l’objet permettait de rapprocher l’histoire de l’archéologie et donnait d’une certaine manière une dimension scientifique à une discipline qui en manquait cruellement. Seignobos va d'abord reprendre et redéfinir les règles portant sur la critique des sources (avec critique interne, externe, de provenance et de portée). Cette approche permet de trier les sources et d’écarter les sources « non-sérieuses ». C’est clairement de cette école que se revendique Alban Gautier : « L'une des bases du travail scientifique, c'est la critique des sources. C'est-à-dire une évaluation, la plus sincère et la plus objective possible, pour mesurer le degré de fiabilité d'un document. » (Le Point). Pour cette école, sont fiables les sources contemporaines des événements et sont suspectes les sources postérieures qui doivent être écartées. Cette méthode rigide privilégiant une approche « matérialiste » est cependant loin d’être parfaite.
Les limites de l’histoire méthodique.
Cette approche connait des limites. Si le tri rigoureux des sources parait approprié lorsqu’on croule sous les textes, ce tri peut se révéler très inadapté lorsque les sources viennent à se faire rares. Si on a mille sources à disposition pour étudier une question, en écarter 90% pour ne garder que les contemporaines peut s’avérer efficace, mais lorsque nous ne disposons que de peu de sources, alors cette méthode peut s’avérer contre-productive.
Alban Gautier constate un tel manque de sources en Gascogne : « Le déficit d'archives est énorme concernant ces régions ». Conséquence : il s’agit d’« Un champ historique peu exploité pour l'instant pour la bonne raison que nous disposons de peu d'archives sur la présence viking dans le golfe de Gascogne ou au sud de la Charente. »
En d’autres termes, lorsque l’historien n’a pas assez de sources fiables, il ne peut travailler et doit donc renoncer à étudier une question.
On remarquera l’optimisme d’Alban Gautier : « Pour l’instant » signifie qu’il ne désespère pas de voir de nouveaux documents fiables apparaître pour étoffer le corpus initial et permettre « enfin » l’exploitation de ce « champ historique » négligé.
Ce « pour l’instant » est révélateur des limites de l’école d’histoire méthodique. En effet, que se passe-t-il en attendant ? Et s’il n’y a pas de découverte de nouvelles sources ? Que fait-on ? Rien. On attend. C’est le problème. Avec cette méthode, lorsque les sources fiables sont rares, l’historien doit renoncer à chercher et attendre.
Avec cette école, on étudie les périodes bien documentées et ignore celles sous-documentées. Le résultat est une histoire gruyère.
Un postulat contestable.
Cette école part du postulat suivant : plus les sources sont proches des événements décrits, plus elles sont fiables. Plus elles s’en éloignent, plus elles sont suspectes. Il s’agit d’un principe logique, mais pas nécessairement vrai. Et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, même les sources les plus fiables ne sont pas à l’abri d’être mensongères -par exemple, les mémoires d’un président de la République. Objectivement, scientifiquement, c’est une source fiable. Humainement, on sait qu’elles peuvent contenir plus de mensonges qu’une biographie écrite par un étranger 20 ans après… La notion de « source fiable » est très fragile. C’est un critère purement intellectuel fondé sur la matérialité de la source, un critère insuffisant.
A l’inverse, une source tardive n’est pas nécessairement mensongère même si elle renferme des erreurs. Des erreurs peuvent être commises de bonne foi et ce n’est pas parce qu’un témoignage renferme une erreur qu’il est nécessairement discrédité. Que dirions-nous si l’agressé se trompe sur la couleur des yeux de son agresseur et que cette erreur discrédite l’intégralité de son témoignage ? C’est un peu ce à quoi nous assistons en histoire. Lorsqu’un texte dérange, l’historien va avoir tendance à chercher une erreur dans ce texte pour prouver sa non-fiabilité. Lorsque le texte arrange, on oublie de souligner les approximations. L’exemple le plus frappant est la charte de Lobaner. Ce texte découvert en 1810 était considéré comme une source fiable jusqu’à ce que Jean-François Bladé, un folkloriste, découvre en 1861 une erreur. Ce texte plaçait l’embouchure de l’Adour à Capbreton au moment des invasions Vikings alors que l’embouchure se serait trouvé à Bayonne. Pour arriver à cette conclusion, l’auteur évoque la présence des Vikings dans la cité et explique que leur présence prouve que l’embouchure était bayonnaise puisque les hommes du Nord s’installent aux embouchures (sic)… Cette « erreur » de la charte fut considérée par Bladé comme un des éléments de preuve que le texte était l’œuvre d’un faussaire. La charte fut aussitôt discréditée et rejetée. Or, il s’est avéré que la source disait vrai : l’embouchure se trouvait bien à Capbreton… Bladé se trompait. Néanmoins, sa démonstration est toujours d’actualité aujourd’hui puisque Alban Gautier, convaincu par la « démonstration de Bladé » s’en prévaut pour rejeter cette source.
Le problème de cette approche, c’est que, sous couvert d’objectivité matérialiste, l’on constate qu’elle subit des « aménagements » permanents. Dans certains cas, l’historiographie officielle va préférer faire confiance à une source suspecte plutôt qu’à une source fiable. Exemple: les origines de Rollon. L’historiographie dominante retient que Rollon est d’origine norvégienne, il serait de fils de Rognvald de Moere. Cette information est donnée par Snorri Sturluson, un auteur islandais du 13e siècle. Il s’agit d’une source tardive et lointaine, suspecte donc. Or, il existe un texte contemporain, celui de Richer de Reims, qui nous apprend que Rollon serait de fils de Kaetill assassiné lors de son baptême à Limoges en 892. [Irruperant enim duce Rollone filio Catilli intra Neustriam repentini] (Richer p.35). Certes, Richer est le seul à donner cette information, mais le père de Richer était un officier franc qui avait affronté ce même Kaetill. Il était assez proche du dossier… Pourtant, les historiens français vont choisir d’oublier cette source -scientifiquement plus crédible- pour privilégier la source suspecte. Ce choix relativise « la rigueur scientifique » proclamée par certains chercheurs.
Enfin, certains universitaires ne retiennent pas toutes les sources contemporaines et écartent celles qui leur paraissent suspectes. En 2008, les travaux de Joël Supéry avaient été critiqués par le médiéviste bordelais Frédéric Boutoulle qui reprochait déjà à l’auteur de prendre en compte des sources contemporaines, mais suspectes. Dans un article de synthèse, l’adepte de Seignobos faisait un inventaire des sources et écartait les « suspectes » avec méthode. Comme le critère purement matériel prôné par Seignobos était insuffisant à produire un tri éclairé et permettait à des sources contemporaines -mais douteuses- de se faufiler dans le « thésaurus fiable », le professeur bordelais allait avoir recours à une autre « approche scientifique ».
Pour « éviter les pièges de la documentation gasconne » dans lesquels Joël Supéry et d’autres auteurs -Renée Mussot-Goulard et Jean Renaud- seraient tombés, l’universitaire propose de « repérer les enjeux mémoriels » qui président à « l’amplification ou la création de fictions ». Le professeur écrit : "Repérer les enjeux mémoriels dans ces processus d'amplification ou de création de fictions n'est pas non plus un enjeu secondaire, tant il est vrai que le Normand a aussi la tête du bouc émissaire auquel on attribue des destructions ou des dérèglements liés à d'autres phénomènes." Ce "repérage des enjeux mémoriels", va permettre au professeur d’éviter les pièges de la documentation gasconne dans lesquels tombent les non-initiés et identifier les « topos » (les clichés) dénaturant les témoignages contemporains. Avec cette technique, le perspicace professeur identifie sans coup férir les faux : " Nous y voyons… des destructions attribuées aux Normands soit par vraisemblance, soit par désir de tromper, …, soit par souci d'étymologie. Nous sommes donc dans le domaine des constructions historiques »
Le professeur prétend maîtriser une technique infaillible lui permettant de deviner les intentions cachées des auteurs du Xe siècle et de démasquer les constructions historiques des chroniqueurs. Prétendre être capable de distinguer dans un texte ce qui est historique de ce qui ne l’est pas, ce n’est pas de la science, c’est de la chartomancie.
La démarche pragmatique de l’auteur.
Cette renonciation de l’historiographie face au IXe et Xe siècles gascons ne parait pas très « professionnelle ». Si la méthode d’histoire méthodique ne donne rien, il faut en changer. L’auteur a opté pour une « approche ouverte » des sources. Lorsqu’on manque de sources, il estime qu’il faut toutes les prendre, même les tardives. Cela ne signifie pas les tenir toutes pour crédibles, mais les avoir à l’esprit et en tenir compte. Dans ce cas-là, c’est le contenu plus que le support documentaire -par définition discriminant- qui doit primer. Une source tardive peut être inexacte, mais n’est pas forcément fautive ou mensongère et l’écarter après avoir détecté le « désir de tromper » de son auteur sans autre forme de procès n’est pas très objectif. En Droit, un suspect est présumé innocent. En Histoire, les textes suspects sont présumés coupables. Pas très rationnel.
Devant la rareté des sources gasconnes contemporaines des invasions, l’auteur décide d’étoffer son corpus documentaire en recourant aux sources tardives. Il va également faire appel à des sources non gasconnes : franques, anglo-saxonnes, scandinaves, arabes, russes, grecques, italiennes, espagnoles pour resituer les événements locaux dans un cadre plus vaste et chercher ailleurs des éléments pouvant recouper les sources gasconnes. Mais pas seulement. Il va aussi avoir recours à d’autres éléments qui ne relèvent pas a priori de la science historique comme la toponymie, une source particulièrement fiable lorsqu’on est confronté aux hommes du nord. Il va également croiser ses hypothèses avec les témoignages archéologiques mais aussi juridiques, folkloriques, techniques, ethnologiques et linguistiques. L’auteur a donc pris le contrepied de la méthode positiviste et rigide préconisée par Seignobos et Langlois. L’auteur revendique une approche ouverte et pluri-disciplinaire de l’histoire. Il estime qu’un enquêteur doit chercher dans toutes les directions et constituer des faisceaux d’indices.
Comme tout enquêteur, l’auteur va émettre des hypothèses et soumettre celles-ci à validation par les sources. Il va proposer une réécriture non pas de ce que fut la « réalité » de la période -un objectif vain-, mais d’une « probabilité » de ce qu’elle fut. On est dans la subjectivité dénoncée par l’école positiviste de Seignobos.
Cette méthodologie a été dénoncée sur les réseaux sociaux par plusieurs historiens comme étant non-scientifique. Nous affirmons au contraire qu’elle est bien plus scientifique que la méthode positiviste prétendant trier les sources selon des critères rigides car elle est pragmatique.
Cette méthodologie pragmatique est d’autant plus légitime que l’histoire méthodique n’est en rien une démarche objective. Elle n’enlève en rien la subjectivité de l’historien. La subjectivité est indissociable de la science humaine qu’est l’histoire et prétendre la rapprocher d’une science exacte par le recours à un « tri scientifique et objectif » des sources est une gageure. L’histoire n’est pas une retranscription de la réalité. C’est par définition un résumé, une caricature d’une réalité passée, une interprétation. Et que l’on ait recours qu’à certaines sources dites fiables ou un corpus élargi, cela ne change rien à cette évidence.
Joël Supéry adopte une méthode ouverte, mais celle-ci n’est en rien empirique ni révolutionnaire. Elle est au contraire très bien connue. Elle a été formulée dès les années 1920 en réaction au rigorisme de l’histoire méthodique.
Joël Supéry, élève de l’école des Annales.
Si la méthode de Joël Supéry devait être rapprochée d’une méthode historique scientifique, c’est de celle de l’Ecole des Annales. Née en 1929 avec la revue des Annales d’histoire économique et sociale, elle fut créée par Lucien Febvre et Marc Bloch.
A la différence de Seignobos, Lucien Febvre (1878-1956) ne considère pas les sources fiables comme condition sine qua non de la recherche historique. Il écrivait : « L'histoire se fait avec des documents écrits, sans doute. Quand il y en a. Mais elle peut se faire, elle doit se faire sans documents écrits s'il n'en existe point. Avec tout ce que l'ingéniosité de l'historien peut lui permettre d'utiliser pour fabriquer son miel, à défaut des fleurs usuelles. [...] Toute une part, et la plus passionnante sans doute de notre travail d'historien, ne consiste-t-elle pas dans un effort constant pour faire parler les choses muettes ? » Combat pour l’histoire, 1959.
Face au rigorisme de Seignobos, Febvre revendique la souplesse.
Son alter ego Marc Bloch (1886-1944) revendique le travail d’enquête comme la base de tout travail d’historien : « Les causes en histoire, pas plus qu'ailleurs, ne se postulent. Elles se cherchent »
L'histoire doit devenir une « histoire-problème », qui questionne le passé et remet constamment en question ses propres postulats et méthodes, afin de ne pas être en reste sur les autres sciences. Cette obligation implique de sortir l'histoire de son « immobilisme académique » en diversifiant et surtout en croisant ses sources, au-delà des seules références écrites traditionnelles. Il s'agit de s'ouvrir aux autres sciences humaines, de les combiner entre elles afin de pouvoir stimuler la curiosité de l'historien. C’est exactement ce qu’a fait Joël Supéry pour écrire son autre histoire des invasions.
Conclusion.
Ainsi les accusations portées à l’encontre de Joël Supéry concernant sa méthodologie, supposée non scientifique, sont sans fondement. Son approche est en réalité très scientifique. Son pragmatisme est d’ailleurs bien plus scientifique que l’approche dogmatique de l’école de Seignobos.
Quant aux critiques de fond, elles n’ont pas plus de fondement. Alors pourquoi ces accusations d’imposture à l’encontre de Joël Supéry ?
La raison est simple : Joël Supéry n’est pas historien et il remet en question une lecture des invasions qui présente celles-ci comme le déferlement anarchique de pillards sans motivations politiques. Au-delà de ces deux constats, Joël Supéry pose deux questions aux historiens : pourquoi les historiens français n’ont-ils jamais étudié les invasions vikings au sud de la Loire ? Pourquoi les historiens rejetant l’idée d’une principauté scandinave en Gascogne sont-ils incapables d’expliquer quel pouvoir politique domina la Gascogne aux IXe et Xe siècles ?
Deux questions simples qui restent sans réponses. C’est parce qu’il n’a pas la capacité de répondre à ces questions que le professeur Alban Gautier préfère dénigrer l’auteur.
Lorsqu’on n’a pas la capacité d’attaquer les idées, on dénonce l’imposture. C’est une histoire vieille comme le monde.
Jules Péroy
Bibliographie
Articles
Alban Gautier, Les Vikings en Gascogne ? Ce n’est pas un fait historique nouveau. Le Point, 26 février 2018,
https://www.lepoint.fr/histoire/les-vikings-en-gascogne-ce-n-est-pas-un-fait-historique-nouveau-25-02-2018-2197711_1615.php
Alban Gautier, Les Vikings frappent encore, L’Histoire, 28 mai 2018.
Alban Gautier, Une principauté viking en Gascogne ? A propos d’une imposture. Annales de Normandie. Janvier-Juin, 2018. p. 173-185.
Boutoulle, Férdéric, Par peu des Normands, Les Vikings à Bordeaux et la mémoire de leurs incursions. Revue archéologique de Bordeaux. Tome IC. Année 2008. p. 23-38.
Supéry, Joël, Les Vikings dans les sources d’Aquitaine. De la subjectivité du labeur d’historien. Critique de l’article de Frédéric Boutoulle, Par peu des Normands. Academia.edu. 21 juin 2013.
Supéry, Joël, Analyse détaillée des propos d’Alban Gautier évoquant la Saga des Vikings. Commentaire de l’article du Point. Academia.edu. 18 mars 2018.
Supéry, Joël, Vikings en Gascogne. Chronique d’une reconnaissance annoncée. Academia.edu. 30 juillet 2018.
Ouvrages.
Bladé, Jean-François, Pierre de Lobaner et les 4 chartes de Mont-de-Marsan, Paris, Dumoulin, 1861.
Febvre, Lucien, Combat pour l’histoire, A. Colin, 1953.
Langlois, Claude-Victor et Seignobos Charles L’introduction aux études historiques, 1898.
Mussot-Goulard, Renée, Les princes de Gascogne, Marsolan CTR, 1982.
Renaud, Jean, Les Vikings de la Charente à l’assaut de l’Aquitaine, Princi Negue, 2002.
Supéry, Joël, La Saga des Vikings, une autre histoire des invasions, Autrement, 2018.
Sources.
Chartes de la ville de Mont de Marsan - Mt de Marsan-imp.veuve Leclercq 1850- in-8°- 161p ( par MM Lecamus et Dulamon )
Richeri. S. Remigii Monachi. Historiarum Libri quattuor.-Lib, I. p.35.Edition 1855.
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